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Partie 01/10 - Emmanuelle Ducassou présente rapidement la mission IODP 401 Partie 01/10 - Emmanuelle Ducassou présente rapidement la mission IODP 401

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Transcription de la vidéo

Bonjour à tous.

Merci d'être venu aussi nombreux. C’est super pour nous. Merci à ceux qui sont connectés aussi.

Vous êtes là aujourd'hui pour une conférence un peu particulière, parce qu'elle vise en fait à vous faire participer ou faire suivre un grand projet scientifique dont la première phase débute dans quelques jours, le 10 décembre 2023, avec un embarquement pour une mission de forage marin.

Donc je m'appelle Emmanuel Ducassou. Je suis enseignant-chercheur à l'Université de Bordeaux. Je fais ma recherche au sein du laboratoire EPOC, Environnements et Paléoenvironnements Océaniques et Continentaux.
Vous aurez également le plaisir d'écouter mes collègues Hervé Gillet, à l’ordinateur, Adrien Eude, Laurent Londeix, également enseignants-chercheurs à l'Université de Bordeaux et à EPOC, et Athina Tzevahirtizian, post-doctorante également à EPOC.

Donc on a tous touché de près ou de loin au sujet qui va nous regrouper aujourd'hui.

Alors je vous disais que le but de cette conférence était de vous faire un peu participer au quotidien d'un chercheur.
On est tous géologues, géologues marins en l’occurrence et la partie collecte des échantillons, qu'elle soit à terre ou en mer, c'est toujours un moment un peu particulier pour nous. Et l'expédition dont on va parler aujourd'hui, elle a même un caractère un peu extraordinaire pour deux raisons :

Première chose, c'est pour l'outil qu'on va utiliser. Alors, en milieu marin, en général, on utilise le carottage marin, ce qui fonctionne assez bien. On peut collecter plusieurs dizaines de mètres de sédiments, jusqu’à 60 mètres. Mais ici, on va utiliser carrément du forage et le forage va permettre mécaniquement de descendre encore plus bas et donc de venir prélever ici les séries sédimentaires. En descendant, on peut traverser les colonnes d'eau également de plusieurs milliers de mètres.

Donc on va descendre sur des périodes qui sont beaucoup plus anciennes et qui vont nous permettre de comprendre certaines choses.

Alors le forage, c'est bien, mais c'est complexe à mettre en place et c'est coûteux.
Et quand on fait de la recherche académique, comme c'est notre cas, les finances, c’est pas toujours ça. Donc le seul moyen qu'il y a eu un peu d'avoir accès à cette technologie là, c'est que des nations s'unissent à la fois d'un point de vue humain et d'un point de vue finances on va dire, pour pouvoir avoir accès à ce type de technologie. Donc, c'est ce que fait le programme IODP pour International Ocean Discovery Program.

Alors c'est un programme qui existe depuis plus longtemps, qu’a eu différents noms. Il existe depuis 1968 et je tiens à souligner ici que c'est le programme, le plus grand programme, en fait, de géologie marine, c'est-à-dire quand je dis le plus grand, c'est le plus grand en termes humains, en termes de coûts humains et de coûts financiers.
Donc il permet d'avoir accès à ça. Et puis, c'est aussi la coopération internationale la plus pérenne qui existe. Donc ça, c'est chouette.
C'est un peu l'équivalent de certains programmes spatiaux un peu moins médiatisés, mais c'est l'équivalent.

Donc, à partir de 1996, ce programme a été rejoint par un autre qui est similaire, le O est remplacé par un C pour continental. Donc c'est du forage à terre également.

Alors je reviens sur IODP et les forages marins. Donc il y a plusieurs navires qui ont permis de forer ici. Donc ça a été Glomar Challenger au départ.
Le JOIDES Resolution qui est celui sur lequel on va embarquer sur cette expédition-là. Alors c'est un bateau qui va prendre sa retraite anticipée, malheureusement, l'année prochaine. Donc on est l'avant-avant dernière expédition de bateaux américains.
Le Chikyu qui est un bateau japonais. Alors qui reste un peu autour des eaux japonaises. Celui-là, on ne voit pas trop par chez nous.
Et puis le consortium européen du programme IODP, qui va armer des plateformes ou des brises-glaces selon l'environnement.

Le but, c'est d'aller dans des environnements soit plus profonds, soit difficiles d'accès. Donc, avec ces navires ou ces plateformes, on collecte des séries sédimentaires, comme vous voyez ici, pour aller le plus loin possible et puis reconstituer un peu les différents visages de la Terre.

Alors, depuis 1968, il y a eu un peu pas mal d'expéditions. On est la 401ème, donc 400 expéditions, plus de 1500 kilomètres de sédiments collectés avec des projets autour de la tectonique des plaques, dynamique planétaire. Puisqu'avec le forage, on peut même traverser la croûte océanique voire le top du manteau. Il n’y a qu’avec ce programme qu’on a pu faire ça.

Il y a tout un tas de projets qui émargent dans des thématiques climatiques. Ça va être le cas de ce dont on va parler aujourd'hui. Et puis les thématiques autour des risques naturels et la biosphère profonde.

Alors, forcément, avec autant d'enjeux et des outils aussi particuliers, il y a plein de verrous scientifiques qui ont été levés grâce à ce programme là. Et puis plein de grandes découvertes et un des meilleurs exemples de ces découvertes, c’est celle-ci.

Carte de 1973 montrant la Méditerranée asséchée durant l'épisode Messinien.

Alors cette carte, qui a été publiée en 1973 colorisée mais en 1970 non-colorisée, elle est un peu provocante. On y voit ici la Méditerranée quasiment asséchée. Elle a été publiée à la suite de la 13? expédition du programme, le leg 13 du programme DSDP.
L'idée, c'est :

Comment est-ce qu’on peut arriver à un scénario comme celui ci à partir de petits tubes de forage qui font 10 cm de diamètre ?

Il faut savoir que dans les années 50-60, on se doutait qu'il s’était passé en truc dans la Méditerranée parce que sur les pourtours, vers 5-6 millions d'années, on avait, on a toujours des sels, on a vu des mines de sel. Vous en verrez tout à l'heure à plusieurs endroits sur le pourtour méditerranéen.
Et puis, quand on a prospecté dans les bassins profonds méditerranéens, alors avec les outils que vous verrez tout à l'heure un peu mieux des outils un peu indirects, qu’on appelle de la sismique réflexion, une sorte d’échographie du sous-sol des fonds marins, on voit qu'on a une espèce de couche un peu bizarre.

Si vous voyez, elle est un petit peu déformée ici. On voulait aller voir un peu de quoi il s'agissait. C'est comme ça qu'est née cette fameuse 13? expédition du programme DSDP et c'est la première expédition à avoir atteint cette couche.

Et qu'est ce qu'on a trouvé là dedans ? Quelque chose auquel on ne s'attendait pas forcément. Ce sont des évaporites.
Les évaporites, c'est un grand terme pour parler des sels, il existe plusieurs types de sels dont on va parler largement ce soir.
Vous avez quelques exemples ici. Alors du sel sur un pourtour d'un océan, ça peut se comprendre à la rigueur. ça s'évapore et donne des marais salants. Par contre, du sel par 3000 mètres de fond, c'est beaucoup plus compliqué à expliquer.

La légende raconte que pendant cette expédition, Bill Ryan, qui était un des co-chef de l'expédition, en quart à ce moment-là, quand ils ont trouvé ce sel, est allé réveiller son co-chef qui est Kenneth I. Hsü, en expliquant ce qu'ils venaient trouver. Et donc Kenneth Hsü aurait rétorqué :

« Il va falloir convaincre la Terre entière que la Méditerranée s'est asséchée »

D’où le titre de cette conférence, le titre des papiers qui ont suivi ici.

Et là, c'est juste le point de départ de 50 ans de recherches passionnées, passionnelles aussi, avec plein de désaccords et de batailles.
Et je vous propose de plonger là-dedans tout de suite. Je vais passer la parole à Laurent pour vous expliquer un peu de quoi il retourne.

Conférence Grand Public : Quand la Méditerranée s Géosciences Marines

Conférence Grand Public : Quand la Méditerranée s'est asséchée

Dans cette conférence, les cinq intervenants vous présenteront les raisons qui ont mené, il y a 5 à 6 Ma, à l'assèchement au moins partiel de la mer Méditerranée !