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Origines de la théorie de l'Âge de Glace - Episode 7 - La dernière période glaciaire - Partie 2

Partons ensemble à la découverte de quelques outils qui permettent aux chercheurs de retracer l'évolution du climat !

Vulgarisation 25 juil. 2022

Bonjour à toutes et à tous et bienvenue !

Aujourd'hui, Terres du Passé a le plaisir de vous partager le 7e épisode de la mini-série (qui devient grande !) portant sur les origines de la théorie de l'âge de glace !

Vous pouvez découvrir cet épisode ici, et le script et les sources se trouvent en-dessous.

Bon visionnage !

 Script de l'épisode

Bonjour à toutes et à tous et Bienvenue pour cette nouvelle vidéo de Terres du Passé !

Aujourd'hui, nous commençons le 7e épisode de la série portant sur les origines de la théorie de l'âge de glace. Dans l'épisode précédent, nous avions commencé un voyage dans le temps, remontant 70 000 ans dans notre passé. Alors maintenant, reprenons notre route et cheminons ensemble dans les couloirs du temps ! 

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Générique
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Pour commencer notre voyage, regardons ensemble quelques courbes, car pour raconter une histoire vraie, il faut se baser sur des faits, sinon, l'histoire n'est qu'un conte, le fantasme de quelque esprit à l'imagiation fertile.

Voici quelques images que les paléoclimatologues connaissent par coeur et qui ont servi de base aux reconstitutions paléoenvironnementales et paléoclimatiques que je vous présente. Donc ici, qui ont servi à reconstruire l'histoire de la dernière période glaciaire. Pour mémoire, paléo signifie ancien, donc paléoenvironnemental signifie l'environnement du passé (ce qui revient à décrire le type de végétation, de paysage que l'on pouvait voir à l'époque), et paléoclimatique, signifie le climat du passé, donc dire le temps global qu'il faisait dans le passé.

Données d'anomalie de tempéarture, de CO2 atmopshérique, de delta18O de foraminifères benthiques et de variation de niveau marin pour les derniers 70 000 ans (70 ka BP).

Commençons par une courbe que l'on comprend assez aisément : une courbe des anomalies de température !

Eh Oh ! Euh... Pardon, mais moi en fait, une anomalie de température, j'sais pas vraiment c'que c'est. Alors si jamais t'avais envie d'expliquer ça, bah, faudrait pas t'en priver surtout.

Mais bien entendu ! Y'a pas de souci ! Et tu es... ?

Ben, toi !

Ah oui... Oui, oui... Je me disais bien que, de temps en temps, j'étais pas toujours toute seule dans ma tête...
Donc, une anomalie de température, c'est en fait la différence entre la température moyenne de la Terre aujourd'hui et la température moyenne de la Terre à une autre époque.

Aaah... Mais... Comment ça se calcule ?

Eh bien en fait, cette valeur est obtenue en faisant la moyenne de la température qu'on retrouve sur toute la surface de la Terre, que ce soit aussi bien sur les continents que dans les océans, aux pôles qu'à l'équateur. C'est ainsi qu'on trouve aujourd'hui une valeur moyenne de +15°C sur Terre.

Donc, tu nous présentes les anomalies de température. Et ensuite, qu'est-ce qu'on a ?

Eh ben, ensuite, on a la courbe de CO2 ! La petite courbe que tout le monde connait maintenant. Et là, c'est pareil, on la comprend assez facilement parce qu'en fait c'est quelque chose que l'on voit assez régulièrement depuis plusieurs années, avec le GIEC, les rapports... pour essayer de comprendre justement l'histoire du réchauffement climatique. On parle beaucoup des courbes de CO2, et celle-ci permet de remonter dans le temps.
Et donc, comme on sait que le CO2 est un gaz à effet de serre, on comprend assez facilement que plus il va y avoir de CO2 dans l'atmosphère, plus il va faire chaud. C'est la logique qui s'en suit.

Huuuum, oui... Et si tu nous mets les anomalies de température en comparaison avec ton CO2, histoire de voir si ce que tu nous racontes c'est du chiqué ou bien c'est réel ?

Oui, bien sûr ! La voilà !

Hein, hein....

Le CO2 est mesuré directement dans des petites bulles d'atmosphères passées.

Ah bon ? On a inventé des petites machines qui nous permettent de remonter dans le passé pour récupérer un petit bout d'atmosphère du passé et pouvoir l'étudier, c'est ça ? 

Nous ? Non ! La Nature ? Oui ! Par les carottes de glace !
Ce sont elles, les archives paléoclimatiques des atmosphères passées. Je vous explique rapidement ?

OK, alors, allons-y !
Je ne vous fais pas une grande révélation si je vous dis qu'on a des calottes glaciaires aux pôles ? Ces deux calottes de glace existent depuis plusieurs centaines de milliers d'années, et même depuis plus de 2 millions d'années dans le cas de l'Antarctique. Pour comprendre comment l'atmosphère a pu se retrouver piégé dans la glace, il faut comprendre comment se forment ces calottes.
Je vous propose de nous installer en Antarctique, mais le fonctionnement est exactement le même pour le Groenland.

Fonctionnement d'une calotte, d'après Ruddiman et al., 2008

Il se met à neiger. Les flocons de neige, qui ont une forme d'étoile, s'accumulent et forment des amas les uns avec les autres. On se rend bien compte, par exemple, quand on fait boule de neige pour une bataille de boules de neige que l'on peut écraser la boule car il y a de l'air à l'intérieur, compris entre les flocons. Ils vont simplement s'accumuler les uns sur les autres en gardant des poches d'air entre eux.
La saison se termine, une nouvelle saison commence, la nouvelle neige vient fermer les pores de la neige précédente. Elle va venir également poser son poids ce qui va écraser un petit peu la neige de l'année précédente, et donc réduire la taille des pores, la taille de ces petites cavités qui vont devenir peu à peu des bulles.

Les saisons vont s'enchaîner, les unes après les autres, la neige va s'accumuler de plus en plus.
La neige plus profonde, sous l'effet de la pression - et donc qui dit hausse de pression dit hausse de température (N.B. : même si ce n'est pas toujours le cas, ou si la hausse de température engendrée par l'augmentation de pression n'est que de quelques dixièmes de degrés selon les matériaux, les conditions et les environnements) - va entraîner une modification de la nature de la neige, et la neige vieille va durcir et se transformer en glace, emprisonnant peu à peu les bulles d'air des atmosphères passées.

Et c'est cette accumulation de neige, d'écrasement, de tassement, de compaction et de transformation en glace qui va entraîner ce piégeage des atmosphères passées.

Puis quelques milliers d'années plus tard, ou centaines de milliers d'années plus tards, les humains débarquent et décident de creuser leur première carotte. Et là, ils récupèrent ceci. N'est-ce pas magnifique ?

Et donc vous voyez à l'intérieur, toutes ces petites bulles, ce sont des bulles d'air. C'est de l'atmosphère des temps passés qui a été piégé dans les glaces. Et c'est en étudiant de façon extrêmement soigneuse, en récupérant de façon très précise l'atmosphère piégé dans ces petites bulles d'air que l'on peut faire des mesures de la composition atmosphérique des périodes passées.

Et c'est pour ça que la courbe de CO2 est détaillée : parce qu'en fait, on peut faire des mesures directes sur 800 000 ans sans trop de difficultés.

Ah ouais, cool ! OK ! Qu'est-ce que tu nous prépares ensuite ?

Eh bien, la courbe suivante est un peu moins bien connue du grand public. Mais c'est la courbe chouchou de tous les paléoclimatologues et de tous les chercheurs du domaine : c'est la courbe compilée des données de delta 18O des foraminifères benthiques, dont le petit nom est la LR04, pour Lisiecki et Raymo, les deux scientifiques qui ont établi cette compilation, 04 pour 2004, l'année où ils ont créé cette courbe.

Aaaah, ok... Mais elle sert à quoi cette courbe sinon ? Parce qu'en fait, là, globalement j'ai rien compris de ce que tu viens de dire.

Alors oui, c'est vrai, j'ai parlé un peu vite. Les foraminifères, ce sont de tous petits animaux. Tenez en voilà quelques exemples. Ces foraminifères peuvent soit vivre au fond de la mer, on parle alors de foraminifères benthiques, pour benthos (β?νθος), quiveut dire profondeur en grec (ancien), ou vivre en surface, et dans ce cas, on parle de foraminifères planctoniques.
Et là, c'est vrai que l'étymologie de planctonique est un petit peu plus funky, parce qu'en fait, cela vient du grec ancien, et c'est un terme directement issu de l'Odyssé d'Homère, dont le terme planktos désignait toutes les créatures qui erraient à la surface des flots.

Les foraminifères planctoniques sont donc en surface et les foraminifères benthiques sont donc sur le fond.

C'est super chouette, hein, tout ça. Mais sinon, ton delta machin-truc, là... ?

Oui, alors le delta18O benthique, c'est la mesure d'un isotope de l'oxygène dans le squelette des foraminifères benthiques prélevés sur le fond de la mer dans des carottes sédimentaires.

Tu sais, parler français, de temps en temps, ça peut être bien pour réussir à se faire comprendre.

Euh, oui... Je me suis engagée un peu loin, c'est ça ?

Nan, nan, pas du tout. Par contre là, j'ai aquaponey, donc tu vois, là, je...

Non, attend ! J'ai presque fini !

Hein ? Oh... Tu feras une vidéo à part ? Pour expliquer ça, hein. On va pas y passer trois siècles.

Oui, d'accord, ok, je ferai une vidéo à part pour expliquer en détails ce qu'est le delta18O, la façon dont on le récupère, tout ça, tout ça.

OK. donc on a les anomalies de température, le CO2 atmosphérique, les isotopes de l'oxygène des petites bestioles qui vivent sur le fond de la mer, et ensuite, qu'est-ce que tu nous prépares pour aller avec tout ça ?

Eh bien, la dernière courbe, c'est la courbe de niveau marin. Elle est obtenue par l'intermédiaire du traitement des données de delta18O de foram benthiques. Parce qu'en fait, en fonction de la quantité de delta18O présente dans les foraminifères benthiques, on peut en déduire le volume de glace sur les pôles, et à partir du moment où on a le volume de glace, donc le volume d'eau piégé sur la terre, loin des océans, on peut en déduire le niveau marin par rapport à l'actuel. Et c'est comme ça qu'on a obtenu cette courbe.

Eh ben... T'avais besoin de nous refaire tout ça, toutes ces explications, pour nous raconter l'histoire de la dernière période glaciaire ? C'est ça ? C'était nécessaire ?

Ben oui. Je voulais vous présenter toutes ces données parce que je ne veux pas simplement vous raconter une histoire. Je veux que vous compreniez, je veux que vous sachiez que nous ne tirons pas ces interprétations de notre chapeau, mais qu'elles se basent sur des faits, sur des données que nous acquérons, et que nous traitons, travaillons, analysons.

Tels des enquêteurs partant en quête de quelque indice capable de lui donner des informations pour comprendre sa scène de crime. Sauf que pour nous, il n'y a pas eu de scène de crime. Nous cherchons juste à retracer une histoire. L'histoire des climats du passé. L'histoire de nos océans, et de notre Terre.

Et dans le prochain épisode alors, comment ça va se passer ?

Eh bien dans les prochains épisodes, nous allons retracer l'histoire de la dernière période glaciaire, suivant ces quatre courbes, et dans trois endroits différents du monde : l'Europe de l'ouest, le domaine boréal, et le Sahara.

Tout ça dans un seul épisode ?

Oh non, probablement encore trois épisodes, un par région.

Ah oui, je préfère. Et tes scientifiques du XIXe siècle à part ça, on les retrouve bientôt ?

Après.

OK. Eh ben dans cas, au travail !

Merci beaucoup à toutes et à tous de votre attention. Si cette vidéo vous a plu, n'hésitez pas à la liker, à la partager et à laisser un commentaire.
Passez un belle journée et à très vite !

 Références bibliographiques

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