Emmanuelle Ducassou nous parle un instant de la crise Messinienne et de la mission IODP 401

Script de la vidéo

Donc je suis Emmanuelle Ducassou, donc enseignant-chercheur à l'Université de Bordeaux, au laboratoire EPOC. Je suis sédimentologue, je travaille surtout sur des sédiments marins.

Qu'est-ce que la crise messinienne ?

La crise messinienne... Alors c'est quelque chose qui est suspecté depuis les années 50, puisqu'il y avait du sel un peu partout sur le pourtour méditerranéen.

La sismique réflexion, c’est l’échographie des fonds, a permis de voir qu'il y avait des choses un petit peu suspectes dans le fond. Et puis les premiers forages du même programme que celui sur lequel on va embarquer ici, ont prélevé en 1970 les premiers échantillons de sel. Il faut savoir que le sel, normalement, ça ne se fore pas. C'est hyper dangereux. Mais on a ramené un peu de ce sel et du sel à 3000 mètres de fond, c'est plus compliqué à expliquer.

Donc il a fallu avoir tout un tas de scénarios pour essayer d'expliquer. Est-ce que la Méditerranée s'est complètement asséchée ou pas ? Bon, ça a été le... on va dire le point de départ tout un tas de recherches passionnées, on va dire, là-dessus.

Donc le sel, c'est un des éléments qu’il y a dans la crise messinienne. Mais en tout cas, cette Méditerranée a subi une crise environnementale absolument énorme et qui s'est reconnectée à l'Atlantique et c’est en ça que c'est intéressant.

Moi j'ai beaucoup travaillé côté Atlantique sur ce courant qui sort là, avec un impact assez important. Ce qu'on oublie de dire souvent là dedans, c'est qu'on a piégé 5% du sel mondial, du carbonate aussi. Donc ça veut dire que dans le cycle du carbone, la salinité pour tout ce qui entraîne les courants marins, cette crise qui finalement est assez régionale, a eu un impact global considérable.
Notamment, les premières glaces arctiques se sont formées à l'issue de cette crise, etc.

Et la mission IODP 401 ?

Je me retrouve effectivement co-chef de l'expédition IODP 401 aux côtés de Rachel Flecker, qui est professeur à Bristol.

C'est une surprise, mais c'est un super projet qui est là depuis des années. L'expédition 401, c'est parce que c'est la 401?, c'est Mediterranean Atlantic Gateway Exchange. Cette notion de passage, de corridor et d'échange entre l'Atlantique et la Méditerranée.

Moi, je travaille pas spécialement sur le Messinien à l'origine, je travaille sur des périodes plus récentes.

Par contre, j'ai une expertise sur l'enregistrement des courants marins qui potentiellement, sur cette expédition, peut lever quelques doutes sur ce qui s'est passé pendant ce potentiel assèchement de la Méditerranée et surtout sa remise en eau et l'impact que ça a eu sur le climat global.

Le but de l'expédition, c'est d'aller dans cet endroit clé qui est la vanne en fait entre Méditerranée et Atlantique. Et puis comprendre vraiment ce qui s'est passé : Est-ce que ça s’est fermé complètement, un tout petit peu ? Et quand ça s'est réouvert, combien y a-t-il qui est revenu et comment ça s'est comporté en termes de courants océanographiques ? Et puis voir comment tout ça a eu pu avoir un impact sur le climat global.

Pourquoi faire cette conférence ?

Alors pourquoi faire cette conférence grand public ? Alors pour plusieurs raisons. La première, c'est que ça fait des années que j'embarque. Ça fait une douzaine d'expéditions que je fais, enfin de missions-expéditions. Et, ben, on part en fait en mer et les gens ne se rendent pas compte forcément de ce qui se passe, de ce qu'on est en train de faire.
Donc maintenant qu'il y a des outils des connexions qui le permettent, pouvoir faire suivre, en fait, de faire participer les gens au quotidien des chercheurs... Enfin, c'est la partie exceptionnelle de notre quotidien, quand on va collecter ces échantillons... c'est quelque chose d'assez chouette en fait, et que les gens puissent vivre ça...

C'est leur passé, c'est leur futur.

Donc participer à la collecte de ce qu'on y fait, c'est une aventure scientifique, mais c'est aussi avant tout une aventure humaine, surtout dans un programme de recherche comme IODP où plusieurs nations se retrouvent focalisées pour faire les mêmes recherches, il y a quelque chose d'assez extraordinaire qui se passe, donc on suit ce qui se passe sur la station internationale, de la même façon, on peut suivre ce qui se passe sur un bateau océanographique avec une expédition internationale.

Au travers de cette conférence, j'espère aussi toucher des enseignants, des étudiants. Voilà, des élèves qui sont de futurs étudiants peut-être.
Parce que d'abord, ce projet, il va s'étaler au moins sur dix ans. Là, l'expédition, c'est la première phase. Il va y avoir ensuite des forages à terre. Donc ça veut dire qu'il va y avoir plein de nouvelles données à apporter à ce grand débat autour de cette crise environnementale. Et que certaines de ces découvertes qui vont se faire, ça va être celle de futurs étudiants ou d'élèves, etc. Et donc j'espère faire vivre ça. Peut être donner un petit peu l'étincelle à ceux qui en auraient besoin.

Donc j'espère que certains qui vont écouter là, ce sont peut être des acteurs importants, des recherches qui vont se faire derrière.